„ Ach, teurer Leser, wenn du über jene Zerrissenheit klagen willst, so beklage lieber, daß die Welt selbst mitten entzweigerissen ist. Denn da das Herz des Dichters der Mittelpunkt der Welt ist, so mußte es wohl in jetziger Zeit jämmerlich zerrissen werden. “
« Hélas, cher lecteur ! Si tu veux déplorer ce déchirement, déplore plutôt que le monde lui-même soit déchiré en deux. Et comme le cœur du poète est le point central du monde, il lui a bien fallu de nos jours se sentir douloureusement déchiré. »
« Ah, dear reader, if you want to complain about my internal conflict, then you should rather complain that the world itself is torn apart down the middle. Since the poet’s heart is the centre of the world, it had to be torn apart miserably in these present times.«
— Heinrich Heine
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„ Der Nihilismus steht vor der Tür: woher kommt uns dieser unheimlichste aller Gäste? “
« Le nihilisme est à la porte : d’où nous vient ce plus inquiétant de tous les hôtes ? »
« Nihilism stands at the door: whence comes this uncanniest of all guests? »
— Friedrich Nietzsche
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Das Gleitende — 3 est le dernier volet d’une série d’expositions élaborée par Carl Trahan à travers laquelle il traite des effets déstabilisants de la modernité. Cette trilogie a été amorcée en 2017 au MAC LAU par une exposition qui abordait la pièce de théâtre Faust de J. W. von Goethe en tant que commentaire sur la modernisation. Elle s’est poursuivie en 2018 à la Galerie Nicolas Robert, à Montréal, avec un corpus traitant de la crise spirituelle qui, en occident, succéda aux siècles des Lumières et aux révolutions françaises et industrielles.
Selon l’historien et politologue britannique Roger Griffin, nous percevons la modernité comme étant passée d’une phase révolutionnaire et progressiste à la fin du XVIIIe et dans la première moitié du XIXe siècle, à une phase décadente et ultimement nihiliste à la fin du XIXe et dans la première moitié du XXe siècle. À cette époque, les critiques modernistes envers la modernité et le rationalisme; la sécularisation; l’individualisme; le capitalisme; l’industrialisation et l’urbanisation qu’elle engendre, amènent à la considérer comme un projet raté. Le mythe du progrès se serait affaiblit à un point que pour plusieurs, la modernité a perdu ses connotations utopiques et commence à être pensée comme une période de déclin, de décomposition et de perte.
Dans ce nouveau corpus présenté au MAC LAU, Carl Trahan aborde principalement la Zerrissenheit (le déchirement) et le nihilisme, des notions populaires en Occident au XIXe siècle. À l’aide du dessin, de la sculpture et de la vidéographie, il transpose visuellement certains textes du XIXe et du début du XXe siècle. Les auteurs choisis posent un regard sombre et pessimiste sur une Europe aux prises avec l’éclatement d’une vision unifiée du monde. Il est donc question de la fragmentation des certitudes, de l’inquiétude face à l’avenir et de la crainte d’une fin proche ou du moins d’un événement dévastateur imminent.
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Gyre 1
Émail acrylique, fusain et pastel sur papier, 36 x 32 cm encadré, 2019

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Darkling in the Eternal Space
Graphite sur papier, 111 x 77 cm, 2018

(Les étoiles obscurcies erraient dans l’espace éternel)
Le texte dessiné est extrait du poème Darkness (Les ténèbres) de Lord George Gordon Byron écrit en 1816, dite l’année sans été.
En avril 1815, l’importante irruption volcanique du mont Tambora en Indonésie perturbe le climat de l’hémisphère nord et compromet les récoltes dès l’automne 1815. Les effets dévastateurs de ce cataclysme sont particulièrement observables en 1816; l’ouest de Europe et l’est de l’Amérique du nord connaissent alors de graves pénuries alimentaires. On estime qu’en plus des 10 000 personnes brulées lors de l’irruption, 30 000 personnes moururent à travers le monde des suites de famines et de maladies liées à cette irruption.
En 1816, Lord Byron, accompagné de son médecin John Polidori, s’exile 5 mois près de Genève où il invite à le rejoindre pour l’été le poète Percy Bysshe Shelley, sa femme Mary, et Claire, la demi-sœur de cette dernière — et amante de Byron. Les températures inhabituellement froides et les pluies abondantes les forcent à passer beaucoup de temps dans leur villa, à écrire. C’est dans ce contexte que Mary Shelley entreprendra Frankenstein, or the Modern Prometheus; John Polidori The Vampyre, et que Byron écrira Darkness, entre autres textes.
Ce poème, qui décrit un monde post-apocalyptique, se trouve au bas de cette page.
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Was taten wir?
(Qu’avons-nous fait ? / What have we done?)
Vidéographie, 3:51 minutes en boucle, 2018


Les phrases qu’on peut lire dans cette vidéo proviennent de Der tolle Mensch (l’insensé) de Friedrich Nietzsche, qu’on retrouve dans Die fröhliche Wissenschaft (Le gai savoir), paru en 1882. Les sous-titres en français et en anglais proviennent de traductions officielles.
Nietzsche est sans doute la figure la plus importante dans l’histoire de la réflexion sur le nihilisme; il l’a mise au cœur de la critique de la modernité en tant que décadence. Il considère que la civilisation occidentale est prise dans l’étau d’un nihilisme débilitant et démoralisant dans lequel les conceptions les plus fondamentales du monde ne sont plus tenables et crédibles.
Le nihilisme (du latin nihil : rien, néant) tel que Nietzsche l’entend, n’est pas aisé à cerner. Il utilise ce terme parfois comme un synonyme de pessimisme, et parfois dans le sens de décadence. Il juge que le christianisme est nihiliste dans sa négation des valeurs esthétiques; dans sa renonciation à la vie réelle et dans son idéal ascétique avec l’au-delà pour ultime horizon. Ainsi, le nihilisme est la négation du monde sensible au profit d’un monde métaphysique, il est un dénigrement de la vie. « Nous avons mesuré la valeur du monde selon des catégories qui réfèrent à un monde purement fictif ». Selon lui, le nihilisme commence quand la croyance dans les plus grandes valeurs est perdue, quand elles se dévaluent. Ces valeurs sont : Einheit (unité); Zweck (but) et Wahrheit (vérité). L’existence n’a ni but ni fin quand il n’y a pas d’unité compréhensible dans la pluralité des événements; quand le caractère de l’existence n’est pas vrai.
Nietzsche est convaincu que les grandes idéologies du XIXe siècle (le marxisme, le socialisme, l’anarchisme, etc), y compris celles qui sont les plus hostiles à la religion, reconstruiront la structure religieuse du nihilisme en opposant les idéaux contre la réalité actuelle. Le scepticisme face à la modernité qui s’installe au XIXe siècle fait perdre, en plus de la foi religieuse (Dieu est mort), la foi dans les valeurs de cette modernité : avec l’avènement du nihilisme, toute croyance est perdue, sauf celle qu’il n’y a simplement pas de véritable monde, qu’il n’y a rien et que l’existence n’a pas de but.
Le modernisme proposé pas Nietzsche vise une réconciliation avec le réel et la réévaluation de toutes les valeurs; il propose de penser l’humain à partir de lui-même et non plus à partir de Dieu, du concept de bien et mal. Il tente de comprendre et de soigner la maladie de la modernité en inspirant un mouvement contre la décadence qui restaurera le centre mythique nécessaire à la réapparition d’une culture forte en Europe, et aidera à la venue de l’Übermensch (le surhomme), même s’il faut déchirer une fois pour toute la canopée sacrée proposée par le christianisme pour y arriver. Ces idées ont été interprétées — et tordues — par le mouvement national-socialiste au XXe siècle, dans le but d’entreprendre leur programme palingénésique qui visait à redonner sa grandeur à l’Allemagne.
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Dans une ténébreuse et profonde unité
(In a Deep and Tenebrous Unity)
Graphite sur papier, 111 x 77 cm, 2018

Cette phrase provient du poème Correspondances de Charles Baudelaire, publié en 1857 dans le recueil Les fleurs du mal. Ce poème aborde les synesthésies, soit les équivalences sensorielles, et Baudelaire y affirme l’accès du poète à une expérience mystique à travers la perception intime du monde sensible, s’inscrivant ainsi dans la tradition romantique.
Baudelaire privilégiait l’esthétique dans la lutte contre les tendances désacralisantes de la modernité. Il a également été affublé du terme nihiliste à cause de son pessimisme, de sa négativité et de sa misanthropie. Les liens entre modernisme et nihilisme sont ambigües. D’une part, le modernisme est perçu (et se perçoit) comme une opposition au nihilisme de la modernité (à travers la re-sacralisation du monde, par exemple); d’autre part, il est perçu (et se perçoit) comme une incarnation de ce nihilisme, tels le romantisme torturé ou le dadaïsme, entre autres.
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Gyre infini
(Infinite Gyre)
Enseigne au néon, acrylique et miroirs, 86,4 x 30,5 x 30,5 cm, 2019



Le travail du poète et dramaturge irlandais William Butler Yeats a été influencé par la spiritualité, le mysticisme et l’occultisme de l’époque. Ces intérêts ont culminé dans l’élaboration d’un système de pensée complexe qu’il a expliqué dans son ouvrage A Vision, débuté en 1917 après la découverte des dons d’écriture automatique et médiumnique de son épouse Georgie Hyde-Lees, et publié dans une première version en 1925. Par cet ouvrage aux références mythiques, ésotériques et religieuses, il cherche à concevoir un ensemble cohérent des idées et des croyances de tous les temps, entreprise qui, selon lui, n’avait pas été tentée depuis le Moyen Âge. Il y explique la vie dans une perspective cyclique par le mouvement de la roue lunaire et de spirales. Le gyre (vortex, tourbillon) a une place prépondérante dans les représentions et illustrations de sa pensée; il s’agit pour lui d’une forme universelle qui symbolise le mouvement de l’énergie entre deux pôles. Dans sa forme simple, le gyre commence à sa base et sa force augmente tandis qu’il monte, en s’élargissant, vers le haut. Dans sa vision cyclique, Yeats conçoit qu’au moment où le gyre atteint sa révolution la plus large, le monde entre dans un état de chaos avant de s’effondrer pour laisser la place à une nouvelle ère, qui passera inévitablement, elle aussi, de l’ordre au chaos. Par exemple, la naissance du Christ marque la fin de l’antiquité, et comme selon lui les cycles durent 2 000 ans, le chaos de la modernité annoncerait l’éventuelle venu d’un nouvel ordre. Cette conception du mythe de transition et la conviction que son époque en était une de décadence, d’anarchie spirituelle et de violence auto-destructive insoutenables lui faisait présager l’eschaton de la modernité.
Comme le remarque R. Griffin, A Vision, comme toutes les œuvres iconiques du modernisme esthétique produites après 1918 expriment, à leur façon, la blessure infligée par quatre années de destruction massive à la faculté des humains vivant dans la modernité d’accéder à la transcendance et à une communauté, alors que le but espéré de ce conflit était la régénérescence d’un monde ayant perdu son unité, un monde glissant vers l’abîme du néant.
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Things Fall Apart; the Centre Cannot Hold
(Tout se disloque. Le centre ne peut tenir)
Enseigne au néon, 83,8 X 83,8 X 8 cm, 2018

Le texte provient du poème The Second Coming (La Seconde Venue) de W. B. Yeats, écrit en 1919, tout juste après la fin de la Première Guerre Mondiale. Il est retranscrit en entier au bas de cette page.
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Zerrissenheit (traductions)
Ciment à joint, peinture à tableau et pastel, 2019



En prenant le mot allemand Zerrissenheit (le déchirement) comme point de départ, chacune des traductions françaises proposées dans un dictionnaire bilingue ont été transcrites. Pour chacun de ces termes, toutes les traductions allemandes ont ensuite été inscrites. Cet aller-retour — en principe infini — est maintes fois répété, jusqu’à ce que la limite de la surface soit atteinte.
La notion de Zerrissenheit est liée à la première moitié du XIXe siècle, une époque traversée de vacillements, de ruptures et de déchirements, témoin des soubresauts de l’histoire qui passe de la Révolution à l’Empire, pour s’installer dans une Restauration instable en 1815. Dans cet apparent retour au calme, certains rêvent de nouvelles révolutions (qui viendront, et rateront, en 1848) qui permettraient de réaliser la grande unité entrevue à la Révolution de 1789. Plusieurs ressentent de l’impuissance et l’expérience d’une brisure, ce que le poète allemand Heinrich Heine appelle le Weltriss (la grande cassure du monde). Le poète romantique Friedrich Hölderlein interprète la Zerrissenheit au sens de l’émiettement de l’homme moderne qui sacrifie l’unité à la spécialisation de ses activités, et au côté fragmentaire de la société allemande, image même de la dispersion, de l’éclatement. Le déchirement devient authentique en littérature quand il dépasse le plan subjectif et qu’il reflète la contradiction du temps sous forme d’une blessure inguérissable; dans l’expérience d’une cassure irrémédiable, dans un mal-être et un goût du néant, une grande douleur morale avec impression de rupture intérieure.
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Ins Nichts mein Blick sich richtet
(Dans le néant mon regard s’enfonce / In Nothingness Sinks My Gaze)
Tiges de graphite gravé et aluminium, 25 x 62 x 7 cm, 2019

Je suis détruite, je suis anéantie et lentement détourné, dans le néant mon regard s’enfonce.
Le texte est tiré de Am zwanzigsten Sonntage nach Pfingsten (Au vingt-neuvième dimanche après la Pentecôte) de Annette von Droste-Hülshoff, recueil de poèmes religieux débuté et interrompu en 1820, et poursuivi en 1839.
Empreint de doute spirituel, cette collections de poèmes de Droste-Hülshoff est une quête de la foi impossible, qui offre un exemple de la cassure entre le moi de la foi et celui du doute et du savoir. Chez cette auteure, le déchirement conduit ici à l’expérience du néant, en correspondance avec la fracture d’une époque qui a perdu ses vieilles croyances et n’en a pas trouvé de nouvelles.
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Es zerfiel mir alles in Teile
(Tout se décomposait en fragments / Everything Fell into Parts)
Deux plaques de graphite gravées, 2,54 x 30,5 x x30,5 cm chacune, 2019


Le texte en allemand — et sa traduction — provient de la nouvelle Ein Brief (Lettre de Lord Chandos) de Hugo von Hofmannsthal, publiée en 1902. Le succès précoce de ce poète autrichien est suivi, dit-on, par une crise morale et intellectuelle et il n’écrit presque plus durant des années. En écho à cette crise, Ein Brief traite de l’insuffisance des mots et du discours traditionnel pour appréhender la réalité.
Nous sommes en 1603 et lord Chandos écrit à son ami le philosophe Francis Bacon pour lui confier un mal qui le frappe et le contraint à cesser toute activité littéraire : il a perdu tout sens des valeurs, tous les spectacles du monde ont pour lui la même valeur, des plus banals aux plus grandioses. Alors qu’autrefois l’existence entière lui apparaissait dans une grande unité, il éprouve désormais le sentiment que toute cohérence a disparu aussi bien dans ses pensées que dans sa vision du monde. Lui qui écrivait à dix-sept ans des œuvres achevées ressent un « malaise inexplicable à simplement prononcer les mots esprit, âme ou corps » et « les termes abstraits dont doit se servir naturellement la langue pour émettre un quelconque jugement se délitaient dans ma bouche comme des champignons pourris ».
« Cette crise de la parole et du langage poétique qui frappe lord Chandos s’accompagne d’une dissolution du moi qui, perdant tout sentiment de son identité personnelle, finit par se fondre, dans un élan mystique, avec le monde qui l’entoure. L’abolition de la distinction entre le sujet et l’objet et cette désintégration du moi décrites par Hofmannsthal illustrent cette crise de l’identité du sujet qui va devenir un des thèmes majeurs de la culture viennoise du début du [XXe] siècle ». (Jean Blain)
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Durch ein unendliches Nichts
Graphite sur papier, 111 x 77 cm, 2018

N’errons-nous pas comme à travers un néant infini ? / Are we not straying as through an infinite nothingness?
Le texte provient de Der tolle Mensch (l’insensé), texte de Friedrich Nietzsche extrait de Die fröhliche Wissenschaft (Le gai savoir), paru en 1882.
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Mehr Nacht
Graphite sur papier, 111 x 77 cm, 2018

Ne fait-il pas nuit sans cesse et de plus en plus nuit ? / Is more and more night not coming on all the time?
Le texte provient de Der tolle Mensch (l’insensé), texte de Friedrich Nietzsche extrait de Die fröhliche Wissenschaft (Le gai savoir), paru en 1882.
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Ohne Titel 3
Graphite sur Papier, 111 x 77 cm, 2018

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Da tot mein Leben war, sei Du mein Leben, Tod!
(Alors que ma vie était morte, soit ma vie, Mort ! / Since death was my life, Be now you my life, death!)
Tige de graphite gravée et aluminium, 126,5 x 5,7 x 15,8 cm, 2019


Texte tiré de Der Tor und der Tod (Le Fou et la Mort) de Hugo von Hofmannsthal, drame lyrique écrit en 1893. Ce texte dépeint l’état d’âme d’un personnage qui, s’adressant à la Mort, se désole que sa vie n’aie pas l’intensité qu’il souhaiterait; ce qu’il vit ressemble à une lecture qu’il ferait de son propre Moi. Maintenant confronté à la mort, il ressent pleinement la vie. Il désire alors quitter son monde d’ombres pour entrer dans le monde de la Mort, qu’il entrevoit plein de merveilles et de forces.
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Se délecter dans la mobilité
(To delight in mobility)
Enseigne au néon et relais temporisé, 2019

Selon le philosophe étasunien Marshall Berman, le principal capital que Faust mettra constamment en circulation dans la version de ce mythe écrite par Goethe et publiée en 1808, sera son propre moi, son propre corps. Son but, en retour, ne sera pas l’accumulation d’argent (comme c’est le cas pour la classe bourgeoise qui se développe à l’époque de l’industrialisation), mais bien l’expérience, l’intensité de la vie vécue, l’action et la créativité. Pour Méphistophélès, le bien le plus important est la vitesse : quiconque souhaite réaliser de grandes choses doit se déplacer autour et à travers le monde à grande vitesse, en utilisant chaque partie de soi — et des autres — pour se propulser — soi-même et les autres — le plus loin possible.
Pour survivre dans la société moderne, il faut prendre la forme fluide et ouverte de cette société. Il faut donc se délecter dans la mobilité, prospérer dans le renouvellement perpétuel, se réjouir à l’idée de futurs développements, même si cela amène des perturbations ininterrompues, de l’incertitude et de l’agitation continuelles. Dans le contexte de la modernité, les crises et le chaos sont perçus comme des possibilités lucratives de re-développements et de renouveau. Le seul spectre qui hante la classe dominante de la modernité est la stabilité prolongée.
Ainsi, au moment de sceller son pacte avec Méphisto, Faust ressent que la chose primordiale est de toujours être en mouvement : Wie ich beharre, bin ich Knecht (Si je persiste dans un état quelconque, je m’asservis). Il dit alors à Méphisto que s’il le surprend à prononcer ces mots :Verweile doch, du bist so schön! (Arrête-toi, tu es si beau !) il peut alors lui dérober son âme.
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Vues de l’exposition








Photographies : Paul Litherland
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The Second Coming by William Butler Yeats, 1919
Turning and turning in the widening gyre
The falcon cannot hear the falconer;
Things fall apart; the centre cannot hold;
Mere anarchy is loosed upon the world,
The blood-dimmed tide is loosed, and everywhere
The ceremony of innocence is drowned;
The best lack all conviction, while the worst
Are full of passionate intensity.
Surely some revelation is at hand;
Surely the Second Coming is at hand.
The Second Coming! Hardly are those words out
When a vast image out of Spiritus Mundi
Troubles my sight: a waste of desert sand;
A shape with lion body and the head of a man,
A gaze blank and pitiless as the sun,
Is moving its slow thighs, while all about it
Wind shadows of the indignant desert birds.
The darkness drops again but now I know
That twenty centuries of stony sleep
Were vexed to nightmare by a rocking cradle,
And what rough beast, its hour come round at last,
Slouches towards Bethlehem to be born?
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Darkness by Lord Byron, 1816
I had a dream, which was not all a dream.
The bright sun was extinguish’d, and the stars
Did wander darkling in the eternal space,
Rayless, and pathless, and the icy earth
Swung blind and blackening in the moonless air;
Morn came and went—and came, and brought no day,
And men forgot their passions in the dread
Of this their desolation; and all hearts
Were chill’d into a selfish prayer for light:
And they did live by watchfires—and the thrones,
The palaces of crowned kings—the huts,
The habitations of all things which dwell,
Were burnt for beacons; cities were consum’d,
And men were gather’d round their blazing homes
To look once more into each other’s face;
Happy were those who dwelt within the eye
Of the volcanos, and their mountain-torch:
A fearful hope was all the world contain’d;
Forests were set on fire—but hour by hour
They fell and faded—and the crackling trunks
Extinguish’d with a crash—and all was black.
The brows of men by the despairing light
Wore an unearthly aspect, as by fits
The flashes fell upon them; some lay down
And hid their eyes and wept; and some did rest
Their chins upon their clenched hands, and smil’d;
And others hurried to and fro, and fed
Their funeral piles with fuel, and look’d up
With mad disquietude on the dull sky,
The pall of a past world; and then again
With curses cast them down upon the dust,
And gnash’d their teeth and howl’d: the wild birds shriek’d
And, terrified, did flutter on the ground,
And flap their useless wings; the wildest brutes
Came tame and tremulous; and vipers crawl’d
And twin’d themselves among the multitude,
Hissing, but stingless—they were slain for food.
And War, which for a moment was no more,
Did glut himself again: a meal was bought
With blood, and each sate sullenly apart
Gorging himself in gloom: no love was left;
All earth was but one thought—and that was death
Immediate and inglorious; and the pang
Of famine fed upon all entrails—men
Died, and their bones were tombless as their flesh;
The meagre by the meagre were devour’d,
Even dogs assail’d their masters, all save one,
And he was faithful to a corse, and kept
The birds and beasts and famish’d men at bay,
Till hunger clung them, or the dropping dead
Lur’d their lank jaws; himself sought out no food,
But with a piteous and perpetual moan,
And a quick desolate cry, licking the hand
Which answer’d not with a caress—he died.
The crowd was famish’d by degrees; but two
Of an enormous city did survive,
And they were enemies: they met beside
The dying embers of an altar-place
Where had been heap’d a mass of holy things
For an unholy usage; they rak’d up,
And shivering scrap’d with their cold skeleton hands
The feeble ashes, and their feeble breath
Blew for a little life, and made a flame
Which was a mockery; then they lifted up
Their eyes as it grew lighter, and beheld
Each other’s aspects—saw, and shriek’d, and died—
Even of their mutual hideousness they died,
Unknowing who he was upon whose brow
Famine had written Fiend. The world was void,
The populous and the powerful was a lump,
Seasonless, herbless, treeless, manless, lifeless—
A lump of death—a chaos of hard clay.
The rivers, lakes and ocean all stood still,
And nothing stirr’d within their silent depths;
Ships sailorless lay rotting on the sea,
And their masts fell down piecemeal: as they dropp’d
They slept on the abyss without a surge—
The waves were dead; the tides were in their grave,
The moon, their mistress, had expir’d before;
The winds were wither’d in the stagnant air,
And the clouds perish’d; Darkness had no need
Of aid from them—She was the Universe.
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